Quoi donc ? demanda Nana surprise (5)
Le sixième jour, tout d’un coup, une bande de visiteurs tomba dans cette idylle. Nana avait invité un tas de monde, croyant qu’on ne viendrait pas. Aussi, une après-midi, demeura-t-elle stupéfaite et très contrariée, en voyant un omnibus complet s’arrêter devant la grille de la Mignotte.
– Parbleu ! elles épousent Dieu, lorsqu’elles n’ont pu épouser leur cousin, dit entre ses dents Vandeuvres, que cette question ennuyait, et qui venait rejoindre Fauchery. Mon cher, avez-vous jamais vu une femme aimée se faire religieuse ?
– Oh ! j’attends du monde, continua-t-elle, ce sera plus gai… D’abord, deux messieurs que Georges a invités, monsieur Fauchery et monsieur Daguenet ; vous les connaissez, n’est-ce pas ?… Puis, monsieur de Vandeuvres qui me promet depuis cinq ans ; cette année, il se décidera peut-être.
Mais Nana restait surprise de trouver Gaga dans sa voiture, avec Bijou et Louiset sur les genoux ; Gaga s’était décidée, pour se rapprocher de la Faloise, tout en racontant qu’elle avait voulu embrasser bébé. Elle adorait les enfants.
– Moi, pas du tout… J’ai travaillé, c’est pourquoi j’arrive si tard.
– Hein ? quoi ? pas gai ! cria-t-elle en le foudroyant d’un regard. Je crois bien que ce n’est pas gai !… Il fallait nous apporter du pain, mon cher… Oh ! moi, vous savez, je suis une bonne fille, je dis les choses comme elles sont. Maman était blanchisseuse, papa se soûlait, et il en est mort. Voilà ! Si ça ne vous convient pas, si vous avez honte de ma famille…
– Est-ce que je sais ! Voilà deux jours que je ne peux arracher Rose de là-haut… C’est stupide à la fin, de risquer sa peau ainsi ! Elle sera gentille, si elle y passe, avec des trous dans la figure ! Ça nous arrangera bien.